FRANÇAIS

LE MONDE - Un policier raconte la "boucherie" de l'école Diaz lors du G8 de Gênes

 

samedi 16 juin 2007, Le Monde

Un policier raconte la "boucherie" de l’école Diaz lors du G8 de Gênes
Jean-Jacques Bozonnet

Ancien adjoint au préfet de police de Rome, Michelangelo Fournier commandait l’un des groupes antiémeute qui firent irruption dans l’école. La situation a rapidement dérapé : "Dans l’obscurité, j’ai vu quatre agents, deux en uniformes et deux en civil, matraquer une jeune fille, je leur ai crié d’arrêter, ils ont continué, j’ai dû les bousculer, ils m’ont insulté Je suis resté tétanisé quand j’ai vu la fille avec le crâne fendu, dans une mare de sang, il y avait des grumeaux comme des morceaux de matière grise, j’ai cru qu’elle était en train de mourir"

Que s’est-il vraiment passé à l’école Diaz, cette nuit de juillet 2001, en plein sommet du G8 à Gênes, quand la police italienne a fait irruption dans les locaux qui servaient de dortoir à plusieurs dizaines d’altermondialistes ? Jusque-là, il n’y avait que les témoignages recueillis par Amnesty International auprès des 93 personnes blessées ce soir-là. Désormais, la thèse de la bavure est confirmée par un officier de police présent sur les lieux. "C’est vrai, j’ai vu des policiers s’acharner sur des personnes sans défense, cela ressemblait à une vraie boucherie", a raconté Michelangelo Fournier, mercredi 12 juin devant le tribunal de Gênes où il comparaît avec vingt-sept autres fonctionnaires ayant participé à la descente de police.

Ancien adjoint au préfet de police de Rome, Michelangelo Fournier commandait l’un des groupes antiémeute qui firent irruption dans l’école. La situation a rapidement dérapé : "Dans l’obscurité, j’ai vu quatre agents, deux en uniformes et deux en civil, matraquer une jeune fille, je leur ai crié d’arrêter, ils ont continué, j’ai dû les bousculer, ils m’ont insulté", a-t-il dit au juge au cours d’une déposition fleuve de plusieurs heures. "Je suis resté tétanisé quand j’ai vu la fille avec le crâne fendu, dans une mare de sang, il y avait des grumeaux comme des morceaux de matière grise, j’ai cru qu’elle était en train de mourir", a-t-il ajouté.

Michelangelo Fournier était donc ce policier, signalé à l’époque par une douzaine de témoins, qui avait enlevé son casque et qui hurlait en vain : "Assez, assez." Pourquoi des aveux aussi tardifs ? "Je n’en ai pas parlé par esprit de corps et amour de la patrie", a-t-il répondu aux juges, expliquant que, "issu d’une famille de policiers", il n’avait pas voulu "causer de tort à l’administration". Toutefois, cette fameuse "nuit des matraques", comme l’a baptisée la presse, "je l’ai portée comme une croix pendant six ans", avoue-t-il.

MORT D’UN MANIFESTANT

Ce coup de théâtre modifiera-t-il la donne d’un procès au cours duquel prévalait la loi du silence parmi les prévenus ? Plusieurs personnalités politiques de gauche ont aussitôt réclamé au gouvernement la constitution d’une commission d’enquête et la démission de la haute hiérarchie de la police.

La polémique n’a jamais cessé sur les agissements des forces de l’ordre lors du G8 de Gênes, où 15 000 policiers faisaient face à quelque 300 000 militants antimondialisation. La mort d’un jeune manifestant, Carlo Giuliani, tué par un carabinier lors d’une échauffourée, a été classée sans suite en 2003.

Parallèlement au procès des 28 policiers de l’école Diaz, 45 carabiniers comparaissent également devant le tribunal de Gênes pour des violences présumées à l’intérieur d’une caserne où 250 manifestants avaient été conduits.